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Je suis une troupe
20 août 2011

Du sublime au grotesque...

Hernani, c’est un drame générationnel.

C’est d’abord la pièce d’une époque : Victor Hugo, en 1830, l’utilise comme arme de combat contre un conformisme et un classicisme prônant le retour total à l’ancien régime, et pose ainsi sa pierre à l’édifice des Trois Glorieuses. La polémique qui entoura les premières représentations de la pièce (la fameuse bataille d’Hernani) rend grâce à la résolue modernité de l’écriture de Victor Hugo, dont les libertés ont fait sauter au plafond classicistes et puristes.Un jeune homme aussi fougueux que ses personnages qui lança un pied de nez gigantesque à ses contemporains : une bataille autant culturelle que politique.

Cette liberté de ton et les idées fortes qui vivent entre chaque page en font aussi une pièce intemporelle. La jeunesse d’aujourd’hui se moque certainement de Charles Quint, et ce sera avec difficulté que l’on fera ressentir désormais au spectateur toute l’insolence d’écriture de l’auteur. Mais la jeunesse d’aujourd’hui s’intéresse par contre aux élections de 2012. Si le contexte a changé, la bataille est éternellement la même. Les vers de Victor Hugo,« le fer qui devient acier », est toujours redoutable et souffle toujours le même vent de liberté.

Hernani, c’est la parfaite harmonie des contraires et le mélange des genres.

Le sublime et le grotesque, le tragique et le comique, l’ombre et la lumière. La tragédie romanesque, amoureuse et enflammée, se transforme toujours aux détours d’une réplique en comédie de boulevard, burlesque et ridicule. Les personnages, héros romantiques par excellence, enfants de Racine et de Corneille, sont passés à la moulinette des romantiques du début du 19ème siècle et en sont sortis plus forts, plus riches et plus contradictoires. Sur scène, trois hommes et une femme se débattent. Passant d’un registre à l’autre, ils cherchent leur place. Outrance des sentiments, immédiateté des images, l’amour, la vie, la mort…

Hernani, c’est l’opposition forcenée entre hier et aujourd’hui, entre le passé et le présent, entre la vieillesse et la jeunesse.

Les trois hommes, les trois figures mythiques qui gravitent autour du soleil, de dona Sol, sont fatalement tiraillés entre les deux : Hernani entre son désir de vengeance et son amour fougueux, don Carlos entre sa destinée d’empereur et son caractère trivial, don Ruy Gomez entre ses valeurs inébranlables et son désir de vivre. La jeunesse est pleine d’orgueil et de spontanéité, mais elle est aussi immanquablement mue par un passé glorieux dont elle supporte le poids. La vieillesse est ridicule et surannée, mais elle est aussi profondément stable et paternelle.

Des ombres et des lumières.

Notre mise en scène a pour projet de restituer la beauté du texte de Victor Hugo tout en le rendant accessible au public d’aujourd’hui. Pour cela, nul besoin d’anachronismes ou autres grossiers subterfuges car les vers de Hugo, d’une modernité et d’une vivacité incroyables, se suffisent miraculeusement à eux-même.

Cinq actes, cinq univers, et un glissement constant du sublime ou grotesque, représenté par un décor uniquement composé d’ombres et de lumières. Coins et recoins, perspectives trompeuses, reliefs inattendus, ombres furtives, grandiloquentes ou innocentes : le lieu du drame est à la fois immuable et en constant changement, comme les personnages qui l’habitent. Autour des quatre personnages principaux, une foule invisible qui donne consistance au décor lui-même invisible et vie à l’intemporalité des sentiments.

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